Si il y a bien une chose
importante à retenir avec Jurassic World Fallen Kingdom, c'est que
la saga vient de prendre un tournant radical. Il ne s'agit plus d'une
série d'aventures sur des îles isolées au large du Costa Rica.
Désormais, les dinosaures sont au pas de la porte.
Jurassic World Fallen
Kingdom tranche radicalement avec son prédécesseur Jurassic World
qui laissait une part importante à l'aventure, l'émerveillement et
la magie d'un parc enfin opérationnel. Dans le film de Juan Antonio
Bayona, la noirceur, la mélancolie et la nostalgie relaient les
dinosaures autrefois puissants à l'état d'animaux menacés de
disparition, malmenés et même maltraités par la cupidité des
hommes. Ici, la condition de vie animale et le droit à la vie d'une
espèce dé-éteinte prend une toute autre mesure. Doit-on sauver ces
animaux que nous avons ramené à la vie dans un but purement
lucratif et ainsi rattraper les erreurs du passé ou devons nous les laisser mourir afin de nous préserver d'une nouvelle catastrophe ?
Le film se présente en
deux grands actes, le sauvetage des dinosaures sur Nublar et la vente aux enchères au sein du manoir Lockwood. Il démarre sur une scène d'introduction intense,
probablement une des meilleures de la saga. De la pluie, une tempête,
des jeux de lumières maîtrisés ne dévoilant le danger qu'en de
furtives apparitions, du grand art ! Le tout se finissant par
l'apparition du logo, une première dans la saga.
L'acte Nublar démarre
donc assez lentement et permet d'introduire les nouveaux personnages
tels que Zia, Franklin, Benjamin Lockwood ou Eli Mills tout en
permettant de retrouver les anciens, notamment Claire, Owen et un Ian
Malcolm en forme. Le rythme s'accélère une fois cette introduction
passée. Une fois sur Nublar donc, l'action et les scènes
s'enchaînent de façon effrénées, c'est très rapide, même un peu
trop mais peut-être que cela a été fait exprès pour souligner
l'urgence de la situation alors que les derniers dinosaures de la
planète survivent dans l'ombre menaçante du nuage de cendres du
Mont Sibo, véritable compte à rebours mortel de cet acte qui se
conclut dans un déluge de feu et avec une scène véritablement
déchirante, un moment poignant et tragique symbolisant la fin d'une
ère et d'un fin rêve de gosse, la fin d'Isla Nublar.
Le passage à bord de
l'Arcadia apporte une pause et nous offre une petite scène d'action
sympatoche avant l'acte final au manoir Lockwood qui tranche
radicalement avec les événements d'Isla Nublar. Toute cette partie
finale, de la vente aux enchères jusqu'à l'évasion de l'indoraptor
dégagent une ambiance gothique et malsaine. C'est sombre, c'est beau
mais la frayeur promise est un peu moindre par rapport à ce qui
avait été annoncé mais laisse plus place à de forts moments de
tensions, la faute peut-être aux bandes-annonces excessives.
Cependant, tout cet acte avec l'indoraptor déambulant dans les
couloirs obscurs du manoir est assez oppressant, un jeu macabre du
chat et de la souris qu'on n'avait pas ressenti depuis Jurassic Park.
Le final quant à lui ouvre de nombreuses voies pour Jurassic World 3
(Jurassic Park 6) dont un aperçu a été teasé via un
nouveau site internet et un
nouveau compte Twitter dévoilés par Colin Trevorrow.
Le traitement des
personnages a été amélioré depuis Jurassic World. En particulier
Claire (Bryce Dallas Howard) dont la transformation liée à sa quête
de rédemption s'avère touchante. L'ancienne directrice
d'exploitation du parc semble être seule contre tous, contre ce
monde qui rejette toutes responsabilités en tournant le dos au sort
des occupants de Nublar. Owen (Chris Pratt) a également changé sur
certains aspects. Plus en retrait, limite blasé, son humour est
moins prononcé. Le travail sur sa relation avec Blue et ses débuts
avec la raptor squad nous apporte plus de crédits concernant le
projet IBRIS. Zia et Franklin (Daniella Pineda et Justice Smith), les
nouveaux acolytes de Claire forment un bon duo même si la
paléo-vétérinaire sort clairement du lot. Dans Jurassic World,
j'avais beaucoup apprécié le traitement du personnage de Grey mais
avec Jurassic World Fallen Kingdom, Bayona et Trevorrow nous présente
un enfant qui n'est pas juste là pour vivre une aventure avec des
dinosaures, Maisie (Isabella Sermon) fait partie de l'intrigue plus
qu'on ne le croit. La petite fille apporte une autre dimension à la
saga de part ses origines qui s'ancrent parfaitement dans les
possibilités liées au contexte de la franchise. La révélation
aurait cependant dû être mieux amenée car elle tombe un peu comme
un cheveux sur la soupe. Jurassic World Fallen Kingdom amène
également sur le devant de la scène le personnage de Benjamin
Lockwood (James Cromwell) ancien partenaire et ami de John Hammond,
vieux philantrope attachant qui à l'instar de Claire met tout en
œuvre pour rattraper les fautes d'Hammond et Masrani. On notera
aussi les brèves apparitions de la gouvernante Iris (Géraldine
Chaplin) en femme dure mais aimante.
Au niveau des
antagonistes, Fallen Kingdom dispose d'un panel de méchants allant
des trafiquants d'animaux peu respectueux menés par Ken Wheatley (Ted
Levine) en passant par l'irritable Gunnar Eversol (Toby Jones), Henry
Wu (B.D Wong) et bien sûr Eli Mills (Rafe Spall). Il est intéressant
de noter que la vision d'Henry Wu semble avoir quelque peu changé.
Limite mégalo dans Jurassic World, il est ici le seul antagoniste à
être conscient de la menace que représente son prototype. Mais il a
aussi et sûrement peur de perdre le monopole des travaux qui
faisaient sa fierté par le passé. Concernant Ken Wheatley, le
personnage renoue avec les chasseurs de la saga qui avaient chacun
une fixation ou un défi en lien avec les dinosaures, Muldoon et les
vélociraptors, Tembo avec le mâle rex. Ici, Wheatley est un
collectionneur qui récupère un trophée sur chacune de ses prises
afin de se fabriquer un collier avec des dents de dinosaures. Alors
effectivement, l'enjeu est moins "glorieux" que ceux de ses
prédécesseurs, mais ce but le conduit irrémédiablement à un
destin tragique, destin dont seul Tembo y avait survécu mais perdant
son meilleur ami en retour. Eli Mills est quant à lui le pourri de
l'intrigue. Il est fourbe, manipulateur, totalement avide et il
accompli quelque chose que nous n'avions jamais vu dans la saga.
Malgré un comportement quelques fois cliché, Eli Mills est un
méchant qui n'a rien a envier à Peter Ludlow.
Un autre personnage fait
son retour dans la franchise, un ancien que beaucoup attendait, Ian
Malcolm (Jeff Goldblum). Le mathématicien apparaît dès le début
de Fallen Kingdom. Il est le conteur du contexte du film et est donc
celui qui conclut également ce dernier. Tous ses propos nous
renvoient aux mises en garde qu'il avait donné dans Jurassic Park
mais ici, Malcolm y ajoute les craintes liées au monde
d'aujourd'hui. La puissance génétique est désormais hors de
contrôle et le chaoticien nous fait clairement comprendre que cela
pourrait conduire à notre extinction.
Attardons nous désormais
sur les dinosaures et reptiles préhistoriques de Fallen Kingdom. Le
panel des espèces est impressionnant, allosaure, parasaurolophus,
apatosaure, brachiosaure, stégosaure, mosasaure etc. tous les
anciens sont là exception faite du pachycéphalosaure remplacé par
le stygimoloch, du dimorphodon et du dilophosaure dont la présence
est sous-entendue dans la scène d'ouverture avant d'être vu sous
forme de statue dans un diorama du manoir. Les "petits" nouveaux ont chacun leur scène, certaines offrant une bonne dose
d'action (cf. sinocératops, carnotaurus, baryonyx et stygimoloch),
d'autres nous interrogeant sur leur avenir (allosaurus). Les effets
spéciaux sont vraiment très bons et le retour des animatroniques en
plus grand nombre par rapport à Jurassic World apporte à nouveau
cette touche de réalisme qui faisait la marque de fabrique de
Jurassic Park. Mention spéciale pour le T. rex qui après son combat
monumental dans Jurassic World retrouve ici toutes ses lettres de
noblesse. Mention spéciale également et toute particulière pour
Blue, fil rouge de l'intrigue. Le dernier vélociraptor sur Terre a évolué,
on ressent de l'empathie pour son destin, sa relation avec Owen a
franchi un cap mais la femelle raptor s'affranchit de son côté
toutou que certains lui reprochait dans Jurassic World. Ici, elle n'agit pas sur commande mais via ses propres choix et comprend ainsi sa nouvelle condition, celle d'un
animal libre dans un vaste monde nouveau et inconnu.
Jurassic World Fallen
Kingdom poursuit la voie empruntée par Jurassic World avec
l'indominus. Ici le nouvel hybride se nomme indoraptor et c'est une
extraordinaire combinaison d'éléments qui font de lui une vraie
saloperie. Encore à l'état de prototype, la bête est pétée de
tocs: tremblements de la mâchoire, mouvements de tête saccadés, spasmes de la
griffe antérieure et sifflements étranges. Il est extrêmement intelligent,
mortel et limite sadique. L'indoraptor est le résultat de
l'hybridation entre les gènes de l'Indominus rex mélangé à une plus
grande part du génome de vélociraptor. Sa création est aussi due aux résultat
des recherches d'Owen via le projet IBRIS. Car oui, la bestiole
répond à des commandes sonores en lien avec un dispositif laser, un
peu comme les missiles auto-guidés. Toujours est-il que les
explications et les actions concernant l'indoraptor fonctionnent bien
dans le film et alors qu'on ne souhaitait que la mort de l'indominus
on aurait presque de l'empathie pour l'indoraptor au même titre que
les dinosaures qui sont ici les véritables victimes prisent dans les
tumultes du monde moderne. Le traitement autour de ces derniers est
difficile. Les hommes n'ont majoritairement plus peur d'eux, ils ne
les respectent plus et les traitent avec autant de mépris que nos
espèces contemporaines (Maltraitance, trafic, expériences), un
sombre miroir sur ce que nous faisons endurer au monde animal.
Les liens avec les autres
épisodes de la saga sont bien présents dans Fallen Kingdom. Outre
la brève mention de Sorna ou la citation du discours de John Hammond
dans The Lost World, la présence du vieux milliardaire plane tout le
long du film que ce soit de part son amitié avec Lockwood, via un
portrait, une maquette de Jurassic Park ou la pronociation directe de
son prénom. (Il est à noter que John Parker Hammond est nommé John
Alfred Hammond par Eli Mills ce qui peut être un peu déstabilisant
pour certains mais il faut savoir que John Alfred Hammond est le
véritable nom complet du vieux milliardaire dans le roman de Michael
Crichton).
En conclusion, malgré un
scénario qui laisse peu de place à la surprise, Jurassic World
Fallen Kingdom est une double suite très intéressante, l'une
directe à Jurassic World et l'autre à Jurassic Park en allant
chercher des éléments du premier film afin de les lier aux
nouvelles intrigues qui se préparent pour Jurassic World 3. Elle
soulève bon nombre de questions notamment sur les conditions de vie
animale, le traitement que nous inffligeons aux espèces, qu'elles
soient en voie de disparition ou non et les conséquences d'une
science dangereuse et non contrôlée. On se laisse emmener par
l'histoire et la direction voulue par Colin Trevorrow. Juan Antonio
Bayona apporte une nouvelle dimension à la franchise en sublimant
les moments forts de son film par une mise en scène et une
photographie soignée le tout accompagné par les thèmes de Jurassic
Park et Jurassic World se mêlant à de nouveaux thèmes alliant
mélancolie et nostalgie teintés de notes tribales orchestrés par
Michael Giacchino, déjà aux commandes de la bande originale de
Jurassic World. Les personnages de Claire et Owen gagnent en
profondeur et la petite Maisie est clairement l'un des meilleurs
protagonistes de ce film. Les pistes explorées dans Jurassic World
sont poussées dans Fallen Kingdom avec l'indoraptor, véritable arme
biologique détraquée. La première partie du film est une pure
aventure Jurassic Park et, bien que trop rapide dûe à l'urgence de
la situation qu'est l'éruption imminente du Mont Sibo, nous permet
quand même de faire nos adieux à Isla Nublar grâce à une
conclusion fortement émotionnelle. Le second acte au manoir
Lockwood, plus sombre, plus violent, apporte un nouvel aspect à la
saga et ouvre la voie vers de nombreuses possibilités, posant les
bases d'un nouveau code pour cette seconde trilogie. La magie est
cependant moins présente, les dinosaures sont désacralisés mais
pas en mal. À force de les côtoyer depuis toutes ces années, ils
redeviennent des animaux au même titre que nos espèces actuelles
avec leurs faiblesses et les dangers qui les menacent. Malgré leurs
tailles imposantes et ce qu'ils représentent pour notre monde, ils
sont ici traités de la même manière qu'un tigre en voie de
disparition qui vaudrait des millions sur le marché noir du trafic
animalier. Nous ne sommes plus sur une île désormais, la cohabitation
Homme/Dinosaure ne sera clairement pas pacifique et la catastrophe
écologique à venir déterminera l'avenir de la planète.
Alors oui on a aimé.
Malgré quelques scènes un peu trop cocasses (cf. Owen et la lave)
et une scène post-crédit inutile, on a aimé ce changement de ton
radical avec Jurassic World, ce retour aux origines de Jurassic Park,
cette noirceur différente de The Lost World. Juan Antonio Bayona
nous offre des plans aussi beaux que des tableaux mais nous fait
surtout comprendre, à travers le destin des dinosaures, que la
nature et les créatures qui la peuplent sont fragiles et qu'ils
mériteraient plus de respect sans quoi la cupidité avide qui anime
le monde d'aujourd'hui ne fera que nous conduire au désastre, quitte
à nous sortir définitivement de l'équation.
Jurassic World Fallen
Kindgom : 9/10
Le classement du Dinosaur
Man :
1- Jurassic Park
2- Jurassic World Fallen
Kingdom
3- Jurassic World
4- The Lost World
Jurassic Park
5- Jurassic Park 3
Le classement du
Micromaniac :
1- Jurassic Park
2- The Lost World
3- Jurassic World Fallen
Kingdom
4- Jurassic World
5- Jurassic Park 3